Quelques éléments d’Amazighité et d’Islam
Je voudrais exprimer dans le présent papier une certaine réalité se rapportant à l’Islam qui soit qu’une grande partie d’Amazighes est aujourd’hui attachée à l’Islam dans ces différentes facettes. Mais comment l’Islam lui-même fut né dans le pays des arabes dont on doit bien comprendre comment fut-elle la prédisposition arabe, notamment sur le plan socio-historique afin d’arriver par ailleurs à mieux saisir l’évolution de l’existence religieuse à l’échelle nord-africaine et ce, durant les 14 siècles écoulés. Et nous ne pouvons pas comprendre la portée islamique sans porter l’attention sur sa genèse, sa très rapide onde de propagation et sa toute première marche évolutionnaire au Proche-Orient.Le triomphe de l’Islam en Tamazgha et le ferme attachement d’une grande partie des Amazighes à cette religion est à relier au fait que, pour ces Amazighes, l’Islam tel qu’il fut propagé et véhiculé par les missionnaires pacifiques, embrassa tout un esprit nord-africain conclusif des sédimentations antéislamiques de valeurs humaines actualisées islamiquement dans l’unicité de Dieu. Quelle place l’Islam occupera-t-il dans les sociétés amazighes ? La réponse à une telle question se fondera sur la conception de la nature du phénomène islamique qu’actuellement tant d’Amazighes en font une dissension au détriment de l’Amazighité. L’Islam dans son évolution sera-t-il orienté vers un concept fondamental selon lequel toute confusion Islam/Arabe ne serait qu’exclue ? La question mérite d’être scrutée.
En grosso modo, juste avant l’avènement de l’islam en Afrique du nord, une grande partie des Amazighes était animiste, d’autres de confession judaïque et le reste de confession chrétienne. Les faits historiques les plus objectifs montrent que l’islamisation des Amazighes est le fruit de l’action d’un nombre de missionnaires d’un courant de l’islam dit ibadisme [1]. Ce sont des missionnaires pacifiques qui portent le nom de « porteurs de science ». Pourquoi ces premiers missionnaires pacifiques arrivés en Afrique du nord étaient appréciés et appuyés premièrement par la tribu amazighe Ihwaren [2] (Huwwara) ? Parce qu’ils étaient de bonnes paroles, de vraie simplicité et ce, sans parler de leur méthode d’argumentation et de leur grande pauvreté. Déjà leur infime nombre ne leur permettait de se risquer sur la Terre des Amazighes en déclenchant une offensive contre ses derniers. Socialement parlant, le caractère pacifique des premiers missionnaires ibadites occidentaux (ou d’Afrique du Nord) est dû à leur origine. Ce sont des hommes appartenant à un milieu socioculturel sis au Nord de l’Arabie où des pratiques de gestion démocratique étaient ancrées dans leur société. A chaque fois, lorsqu’un homme y arriva du Moyen-Orient, il le faisait pour échapper aux massacres des siens et pour tirer plein profit de la tolérance et de l’humanisme des Amazighes. Tel est par exemple le cas d’Idris 1er, petit fils d’Ali et de Fatima fille du Prophète. Idris 1er, ennemi juré des Abbassides, fut accueilli par une tribu amazighe.
Le pacifisme et le simple esprit nourri d’un humanisme hautement apprécié par les Imazighen subsiste encore aujourd’hui sur la Terre amazighe. Le Amazighes Ibadites, dit-on rescapés par miracle, se trouvent à nos jours à Nfusa et à Zuwara (en Libye), au Mzab (en Algérie) et, encore, à Djerba (en Tunisie). Des pratiques hostiles au luxe et aux comportements ostentatoires subsistent à nos jours dans ces contrées nord-africaines. Le culte pur, la sincérité humanitaire, le comportement social exemplaire se sont des valeurs qui continuent de déterminer tant d’Amazighes.
En parlant des arabes chez qui fut descendu l’Islam, un double fait est sensé retenir l’attention :
- Un colossal antagonisme et une grande rivalité s’étaient installés entre les Arabes du Sud et ceux du Nord qui étaient en contacts avec d’autres peuples non arabes.
- Le soutien de l’école Ibadite kharidjite était porté par des partisans qui relèvent des tribus du Nord de l’Arabie. On sait très bien que parmi les kharidjites, il y avait tant de branches, de tendances et de divergences. Je tiens à préciser que le qualificatif « kharidjites » signifie ceux parmi les Musulmans qui sont sortis du clan d’Ali et non pas, comme le croient certains, de l’Islam. Cet Islam, en ce qu’il a d’égalité et de démocratie, portait en lui depuis son début les germes du Kharidjisme. Mais il n’était facile d’appliquer ces principes universels et de justice humanitaire dans la société Koraïchite héritée du paganisme, de l’oligarchie antéislamique dont la hiérarchie obéissait au modèle tribal où le chef est d’essence semi-divine. C’est le prolongement de cette essence même qui, dans son principe, a tant galvaudé l’Islam universel. Une petite parenthèse. Si les kharidjites ne furent pas du côté du nouveau calife Ali, comment peut-on qualifier les partisans de Muâawiya avec Aicha épouse du prophète et marâtre de Fatima qui, en donnant naissance au rite malékite, étaient les ennemis les plus irréductibles d’Ali époux de Fatima?
Cette situation prédominante en Arabie correspondait à deux différentes conceptions de la communauté musulmane et du chef que doit avoir. Schématiquement, les tribus arabes du Sud étaient enracinées dans une ancienne culture qui fut portée à idéaliser leurs chefs au point de les considérer d’essence quasi-divine, tandis que les tribus du Nord étaient très influencées par le modèle préhistorique qui prédominait dans le Nord de l’Arabie, selon lequel la communauté s’organise sur une base démocratique. Et c’était cette prédisposition de démocratie qui avait facilité chez les Ibadites à s’ouvrir sur la communauté allogène qui était amazighe en offrant à tout les musulmans les mêmes chances d’égalité au rôle de gouverneur ou de chef. Et à l’égard de ce qui se passait en Orient, les Amazighe ont bénéfiquement tiré profit de l’Islam perçu comme moyen salvateur de pacification, pour atténuer l’effet dévastateur des guerres intestines que se livraient tant de tribus nord-africaines. Si les Amazighes s’étaient convertis à l’Islam, c’est parce qu’ils le trouvèrent en lui une certaine conformité à leurs idéaux de liberté et d’égalité dans sa forme ibadite, ce qui ne les empêchait pas à entrer en révolte contre les pouvoirs proche-orientaux. Si les Amazighes musulmans existent jusqu’à nos jours, c’est entre autres grâce à leur capacité d’amazighiser l’Islam en Afrique du Nord sans que l’Islam arabe n’arrive à les arabiser. Durant des siècles, la vocation universaliste de l’Islam s’était appuyée principalement sur Tamazight. L’appel pour l’accomplissement de la prière se faisant dans la langue des Amazighes. Excepté les versets coraniques, la prière elle-aussi se faisant en Tamazight. A titre d’exemple, le chef Yusef Uw Tacfin (Youssouf Ibnou Tachfine) d’une grande piété, ne parlait que Tamazight. Son ignorance de l’Arabe était flagrante. A cette époque, l’Islam avait déjà plus de 3 siècles d’existence en Afrique du Nord, tandis que le rite malékite introduit par Darras Ibn Smail Al Fassi n’était naissant que vers 959. Et bien plus tard et selon les témoignages des vieillards du Moyen Atlas ayant grandi vers la fin du 19ème siècle, Hassan 1er (dit Moulay Hassan) qui, même en se croyant arabe, est amazighe, s’adressait bien aux Amazighes marocains en Tamazight.
Comme ils existent encore en Amazighie des traditions très anciennes remontant au paganisme, au judaïsme et au christianisme auxquelles l’on tâche à donner un cachet islamique, beaucoup de nos concitoyens ne savent pas quelque chose sur les rites ibadites et chiite ayant précédés le rite malékite qui domine à présent en force sur ces contrées nord africaines. L’Historien GAID Mouloud écrit dans son ouvrage intitulé LES BERBERES DANS L’HISTOIRE : « Quelle que soit son option, le berber garde sa véritable personnalité en dépit du mode de vie qu’il affiche, des croyances qu’il pratique, de la civilisation qu’il adopte et assimile. Ce qui fit dire à Salluste : « Le Berber assimile toutes les civilisations mais n’est assimilé par aucune » ». Mais il s’avère qu’une des causes ayant divisé les Amazighes et ce, depuis notamment la période romaine à nos jours, c’est leur division en plusieurs tendances cultuelles en reléguant à un second plan leur existence aux divers plans géostratégiques et ce, en tant que nation (amazighe) partageant la même langue (Tamazight), le même espace (Tamazgha)… et la même histoire (Amezruy). C’est cette grande malédiction de désunion qui, en s’éloignant de la base anthropologique (langue, histoire, culture coutumes, croyances…), continue de tomber de plein fouet sur les Amazighes. En admettant que les mêmes causes engendrent les mêmes conséquences, les Amazighes sont appelés à ne pas trop se focaliser sur ce qui les divise en faisant des questions idéologiques le grand dénominateur de dislocation et ce, au détriment de leur Amazighité, car les questions idéologiques demeureront toujours une liberté humaine et le vécu de l’humanité tout entière. Arrivera-t-il le moment historique où les Amazighes arrêteront d’endurer ces mille sortes d'injustices ? Les données ont démontré par le passé que l’ascendance amazighe était en mesure d’être aux rendez-vous auxquels l’histoire aussi bien que la préhistoire les ont convoqués : depuis le développement de la civilisation Ibéro-maurusienne et le grand cheminement proto-amazighe en passant par leur civilisation, leurs royaumes, leurs empires…, voilà l’Islam venu pour marquer une étape cruciale dans cette existence amazighe. Mais il est aussi important de rappeler que tant d’historiens exagèrent trop en voyant des Arabes là où il n’y avait que des musulmans de différentes langues et différents peuples tels que des Turcs, des Amazighes, des Kurdes… il est largement démontré que l’Islam doit son expansion, son renom, sa puissance et, aussi, son universalisme aux peuples non arabes qu’il compte. N’oublions pas que pendant des siècles et à ce jour encore, les Perses, les Amazighes… et les Turcs restent les promoteurs de l’Islam. Même les règles de la langue arabe ont attendu un Amazighe pour qu’elles soient établies et définies de manière méthodiques très précises. Il s’agit du grammairien Ag Adjrrum Asenhadji (Ibn Adjrroum Al Sanhadji) mort en 1329. Son seul ouvrage intitulé « Court Précis de Grammaire Arabe » a été traduit en Latin et en plusieurs langues occidentales. C’est de son nom que l’on utilise à présent en Tamazight le substantif « tajerrumt » qui donne le sens de « grammaire ». Par ailleurs, la culture que l’on peut appeler musulmane peut aligner par centaines les noms amazighes ayant apporté leurs pierres angulaires et contribué hautement à en assurer la genèse des traditionalistes, des poètes, des grammairiens, des lexicographes, des théologiens, des historiens, des géographes...
Pour évoquer la question relative à l’Islam, il y a lieu de signaler ici que la culture officielle maghrébine, forte de l'adhésion de la majorité au rite malékite, passe constamment sous silence l'épisode ibadite de son histoire et voue à l'oubli le courant de pensée qui en est né et qui s'est développé en toute indépendance des pouvoirs arabes. Et même des érudits amazighes de confession musulmane tels que Tibghurin, Al-Warağlani, Yahia Mammar, al-Janâwi, Atfiash, Al-Tâmimi… sont totalement et purement ignorés par les lettrés sunnites les mieux avertis. Comme par ailleurs que tous les rites de l’Islam sont antérieurs au sunnisme qui n’est lui aussi qu’une autre tendance rituelle en opposition aux autres rites.
Au plan historique, les éléments fondamentaux ayant favorisé l’adhésion des amazighs à l’ibadisme sont :
- L’Ibadisme renferme l’esprit égalitaire. Cet esprit a toujours animé les amazighes.
- La lassitude des autochtones amazighes, suite aux attaques militaires opérées notamment par le conquérant Okba et ses lieutenants.
- La tyrannie des gouvernants arabes qui traitaient les Amazighes avec une flagrante injustice et des humiliations. Ainsi les Amazighes avaient vite trouvé en Ibadisme un moyen de libération de ce joug entretenu par le pouvoir arabo-central.
L’école ibadite est depuis sa fondation contestatrice de la tendance arabiste selon laquelle le pouvoir doit être détenu par un homme de souche arabe, voire koraïchite. Donc des deux grands courants dissidents à savoir l’Ibadisme et le Chiisme (ce mot provient du verbe chayaâa signifiant suivre, soutenir, accompagner et, ici, partisan d’Ali), c’est l’Ibadisme qui est à l’origine de l’islamisation des Amazighes. Les vraies bases de l’islamisation des tribus amazighes étaient l’œuvre de prédicateurs ibadites. Les Amazighes ibadites avaient formé la grande communauté islamique en Afrique du nord et sur une bonne partie de l’Afrique subsaharienne qui dépendait de l’Afrique du Nord, notamment sur le plan commercial. D’ailleurs, l’ibadisme rappelle dans l’histoire de l’islamisation de l’Afrique du nord le donatisme amazighe à l’époque chrétienne et ce, entant que mouvement autonomiste de résistance à l’église romaine. Mais cette résistance s’était vite, comme cela va se passer avec le courant ibadite, révélée une action concertée de résistance populaire à l’autorité de l’empire romain et à l’église catholique qui était alliée au pouvoir. Quant aux partisans de Mouaouïa, ils seront qualifiés de Sunnites et les fidèles d’Ali de Chiites. C’est ce qui, schématiquement, s’est passé dans le Pays de Tamazgha.
Des siècles après l’implantation de l’Islam à tendance Ibadite sur le sol de Tamazgha, L’écrasante majorité des Nord-africains abandonna la secte ibadite pour rejoindre la secte sunnite arrivée de l’Orient arabe et fondée par les adeptes de Mouaouïa selon lequel le candidat au pouvoir doit obligatoirement être koraïchite. C’était selon cette mode de l’époque que les Amazighes rivalisaient pour montrer leur appartenance à l’arbre prophétique en particulier et koraïchite en général, cela dans l’objectif de parvenir au rang social habilitant à participer et à prendre le pouvoir avec ceux qui le possèdent. Ce phénomène-là poussait l’individu et/ou la famille à créer une rupture avec sa tribu amazighe en premier lieu, ensuite l’abandon de Tamazight au profit de l’apprentissage de l’Arabe, puis l’intégration dans un environnement spatial et culturel éloigné de son milieu originel amazighe. Cela afin de produire virtuellement une généalogie et, à partir de laquelle, d’annoncer une ascendance arabe, donc aspirer à une position socio-politique suprême. Pourtant, et de toute ma vie, je n’ai jamais rencontré un amazighe arabisant qui prétend être un descendant d’Abi Lahab [3]. Outre l’arrivée de tribus hilaliennes, ce phénomène de reniement de son origine amazighe fût des plus ravageurs et un des plus puissants facteurs de l’adoption de l’Arabe. Ce n’est qu’avec l’apparition de sentiments amazighes rationnels au début du siècle passé que Tamazgha a connu la naissance d’un mouvement de pensée contre lequel les Arabo-islamo-baathistes ont avec zèle manifesté une opposition sans merci. C’est dans ce droit chemin que continuent à nos jours les pouvoirs politiques de Tamazgha de prendre une attitude d’interdiction, de non reconnaissance, voire de violence. De toute leur histoire, les Amazighes ressentent qu’il y a une grande volonté politico-hégémonique d’une ségrégation enroulée dans les arcanes idéologiques qui, en n’étant pas la leur, les pousse mal grès bon gré à adopter la langue arabe, cette fille illégitime qui n’est employée par aucun Nord-africain. Ceux qui n’emploient pas un des topolectes amazighes, ont pour langue maternelle l’Amazigho-arabe Nord-africain.
Si le sunnisme n’était pas parvenu en Afrique du Nord, on aurait pu se trouver de nos jours dans une configuration socio-linguistique typiquement amazighe. Une argumentation peut-être donnée ici. On ne trouve pas de nos jours en Afrique du Nord une seule communauté arabophone de confession ibadite ; toutes celles qui persistent encore ont pour langue maternelle une des variantes amazighes. Donc, on ne trouve en Afrique du Nord aucune société ibadite non amazighe. D’ailleurs, tant d’Amazighes ibadites de Djerba tendent au jour d’aujourd’hui à abandonner leur Amazighité en faveur de l’Arabité et ce, à chaque fois qu’ils renoncent à leur rite Ibadite, au profit du Sunnisme. L’histoire nous renseigne que ce phénomène était déjà vécu par le passé, puisque des contrées comme par exemple celle du Nord-Ouest algérien furent devenues arabophones en abandonnant le rite Ibadite. Il m’a paru utile d’attirer l’attention sur ces faits historiques pour lesquels les lecteurs disposent de peu ou d’aucune source documentaire.
Il ne faut pas se leurrer. Les Arabes n’ont jamais eu une bonne organisation militaire, sociale ou politique, ni même pas avoir renforcé l’éthique islamique et ce, à l’appui du sociologue Ibn Khaldun qui écrivait vers 1.375 : « Voyez tous les pays que les arabes ont conquis depuis des siècles les plus reculés : la civilisation en a disparu, ainsi que la population ; le sol même parait avoir changé de nature. A présent, les monde dit arabe est quasiment ruiné, et le grand mensonge que l’histoire n’a jamais connu « le Maghreb arabe » souffre encore des dévastations massives par les Arabes ». Un ancien adage qui est véhiculé jusqu’aujourd’hui dit : « Les Arabes se sont entendus de ne jamais s’entendre ». Comment se fait-il que ces Arabes puissent organiser les autres peuples sans qu’ils puissent s’organiser eux-mêmes ? Comme quoi c’était une contrainte, on ose aussi inventer le mythe de missionnaires arrivés propager l’Islam que les Amazighes n’avaient qu’un seul et unique choix, c’est celui d’accepter !
Les Arabisants, en confondant islam et arabe, ne savent briller qu’en récupérant même des morts. C’est un leurre de penser que tous les écrivains amazighes qui écrivaient en arabe (pour le simple fait que l’Amazighe ne fut pas écrit) sont des arabes. Actuellement, des historiens arabes et des systèmes arabistes revendiquent Ibn Khaldoun, comme un penseur et philosophe arabe, tout simplement car il écrivait en langue arabe. Les Français par exemple ont-ils la raison de considérer Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Jean et Taos Amrouche… comme d’origine française, et Rachid Raja comme d’origine espagnols… parce qu’ils écrivaient en langues française, espagnole ou autre ? Les Amazighes ont tant donné à autrui, mais en contrepartie qu’est-ce qu’ils ont reçus de cet autrui ??
Selon les préceptes de l’Islam, tout musulman est responsable devant Dieu de ses actes et comportements ainsi que de la manière dont il gère ce qui lui fut remis en dépôt. Le Coran et offre des orientations qui présentent les champs possibles de l'action humaine et précisent un certain nombre de limites pourtant très claires, entre autres le respect des autres humains, dans la reconnaissance de leur diversité et en préservant l'harmonie entre eux, loin de tout contexte d'assimilation, de provocation et d'agression. Il est souvent vrai que la science sans religion est boiteuse, et la religion sans science est aveugle. La différence linguistique des peuples, les spécificités de cultures, le particularisme des coutumes a été décidé et voulu par Dieu. La spiritualité islamique engage l'homme à vivre dans l'harmonie en tenant en compte tous les éléments de son humanité. Les fondements même de l’Islam, autour de la référence à l'Unicité de Dieu, donnent la priorité absolue au sens de la vie et à la finalité des actions humaines. Le djihâd intrinsèque d'un musulman est nécessaire pour se maîtriser, apprendre à vivre avec autrui et préserver l'harmonie de la planète dans toute ses richesses. On ne peut pas être fier de Tamazight en tant que civilisation et culture, du moment que l’on omet que derrière chaque civilisation il y a une langue. Ce qui, pour agir et réagir légitimement, est évident, c'est que les Amazighes (toutes régions confondues) conscients de leur existence aux divers plans, ne doivent en aucun cas compter sur une mentalité obéissant au schéma nord africain = arabe ou arabe > nord africain. Il serait logique de taire ses ressentiments contraires à sa langue que d'hypothéquer tout un peuple. Et nier le droit de cette langue maternelle d'être promue est particulièrement une condamnation de nos aïeux qui s'étaient battus et qui avaient durant des siècles pratiqué leur religion musulmane en langue amazighe.
Dieu dit dans le Saint Coran : « Et parmi ses signes : la création des cieux et de la terre et la variété de vos idiomes et de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants. », Sourate 30, Les Romains. Il y a lieu ici de faire remarquer que c'est par la Volonté de Dieu que des milliers de langues sont parlées sur Terre. Et si Dieu le Tout Puissant a, dans le Saint Coran, comparé la création des cieux et de la terre avec la variété des idiomes de l'humanité, c'est que ces langues que Dieu a créées restent un fait grandiose et une sagesse divine confirmée. Il y a en cela des preuves pour les savants, alors qu'être savant ayant une profonde idée du savoir, ce n'est pas donné à tout le monde. On fait remarquer que dans l'univers observable, les spécialistes retiennent un chiffre comme 80 milliards de galaxies. Une galaxie typique contient 400 milliards d'étoiles dont la plus proche de nous est le soleil. Tout cet univers comparé aux langues de l’humanité ne peut passer inaperçu.
Au lieu de concilier la foi religieuse et les possibilités de la rationalité et de la science, au lieu de contribuer généreusement à la prospérité sociale, on s'est bien écarté de la voie de la connaissance et de la sagesse, de la voie de l'humanisme et de la miséricorde. Je rétorque que bien dans des cas la comparaison entre les langues arabe et amazighe n'a aucune raison d'être. Peut-on choisir Mohammed contre tous les envoyés de Dieu avec leurs innombrables langues ? Peut-on choisir l'islam contre la science ? … On oublie malheureusement que la grandeur de l'humanité demeure dans sa diversité que Dieu a voulu qu'elle soit. Que deviendrait-il notre monde dans la chétivité et la médiocrité ?
On sait que l'humanité doit sa grandeur et ses richesses à sa diversité. C'est plutôt l'uniformisation à outrance et l'assimilation forcée qui aliènent les individus de la société en les contraignant à être ce qu'ils ne sont pas. De tels personnages charismatiques font appel à la religion, au sacré, afin d'imposer leurs opinions et arriver à soi-disant « convaincre » les autres, notamment les plus crédules. Dans les sociétés, ce mécanisme d’embrigadement demeure depuis longtemps d'une grande efficacité, parce que dès lors que l'on parle à une personne croyante de Dieu, de religion et de prophète, elle s'incline et accepte les opinions émises sans chercher à comprendre, ni à discuter.
Lorsque l’on accepte que la langue Tamazight que Dieu de la Terre et des Cieux a créée dans sa sagesse divine n'est pas une perte de temps, ni une médiocrité, lorsqu'on n'aura plus honte de son appartenance sociale, lorsqu'on sera fier de son authentique histoire, y compris les périodes antéislamiques, on peut commencer de parler de développement et de prospérité.
Par la nature de l’évolution nord-africaine, le sentiment identitaire propre à tous les Amazighes ne va pouvoir qu’être né. Ce passage ne peut être qu’incontournable. Même si elle est fragilisée par les systèmes politiques monolithiques, la langue amazighe appuyée par toutes les sociétés amazighes est bien loin d’être une langue minorée. En s’employant par des dizaines de millions de Nord-africains, Tamazight dans toutes ses riches variantes demeure la langue mère la plus parlée sur Tamazgha. Et elle a toutes les chances de s’en sortir. Il suffit de quelques décennies d’un enseignement amazighe standard, sérieux et large, et Tamazgha va revenir à sa plus propre nature. Le reste ne devient ainsi dire qu’affaire de temps. Cependant sauver Tamazight demeure plus que jamais une prise de conscience politique, car reconnaitre Tamazight doit passer par le terrain politique. Pour chaque Etat de l’Amazighie, il n’y qu’une et unique possibilité, c’est de doter Tamazight d’un statut de langue nationale et co-officielle. Tamazight déjà langue de culture a toute la prédisposition de devenir une langue de développement. Le génie amazighe fabrique des instruments qui ont leur existence propre, et Tamazight est ce que l’on a de plus humain. A cette bonne raison suffit sa défense. Si l’on se satisfait de sauver Tamezgha, on finira par se sauver soi-même, si l’on se contente de se sauver soi-même, on finira par ne pas sauver Tamezgha, et ça ne sera que la perte de soi-même.
Une base populaire primordiale saura confirmer définitivement l’existence des Amazighe en tant que civilisation basée sur un peuple, une histoire, une langue et une culture. Il est primordial de jeter des perspectives d’avenir globales et ce, loin de tout subjectivisme. On sait bien que c’est l’union qui fait la force. La désunion engendre la dislocation et le déclin total et fatal. C’est cet ordre que les asservissants étrangers, pan-arabistes et/ou arabo-amazighophobes ont réussi à maintenir à nos jours. Et comme le dixit A. Einstein : « Rien n'est plus proche du vrai que le faux. »
Nat Mzab
Notes
[1] Pour prendre connaissance un peu de l’école rituelle ibadite, je voudrais en passage apporter à la connaissance du cher lecteur que le mouvement ibadite défend axiomatiquement :
- La justice sociale.
- L’égalité des croyants.
- La nomination du guide de la communauté musulmane et ce, en dehors des critères raciaux et sociaux qui font des Arabes une caste supérieure.
Même si les antécédents de l’Ibadhisme remontent bien à Abu-Bilal Mirdas, c’est à Abdullah Ibn Ibadh qu’il faut rattacher la formation définitive de l’Ibadhisme à la base de l’élaboration des premières doctrines de cette école islamique. La branche ibadhite selon une notice rédigée par l’historien Al-Darğini précise qu’Abdullah Ibn Ibadh « fut imam de la voie, rassembleur de la cause au moment où s’opéra la division. Il fut la colonne des croyants, celui qui mit en lumière les procédés d’argumentation et les moyens de recourir aux fondements. Il fut le fondateur des constructions sur lesquelles s’appuieront les successeurs. Il abattit ce sur quoi se basaient les opposants. Il fut à la tête des décisions, le chef de ceux qui résidaient à Basra et en d’autres villes. Il fut le pionnier des grands émules qui rivalisèrent en excellence…
[2] Le substantif amazighe ahwar avec une forme aheggar (plur. Ihware/iheggaren) veut dire en langue amazighe « apôtre ». Il y a une ancienne mosquée qui s’appelle Tamezgida tahwarit « la mosquée apostolique ». Avant l’arrivée de l’Islam, elle était très plausiblement une église.
[3] Toutes ces origines supposées et bien d’autres restent du domaine des pures légendes. Elles ont un grand dénominateur commun, c’est qu’elles demeurent de nature à fausser les pistes du savoir et de l’intelligence. En anecdote, l’on a même rencontré des familles qui détiennent des arbres généalogiques qui, en couvrant dans les meilleurs des cas 100 générations, les font remonter jusqu’à Adam. Cependant on oublie que si l’on se fie aux calculs établis par les anthropologues quant à l’apparition de l’espèce humaine (13 Ma), on serait conduit à donner le chiffre d’environ 394.000 générations ayant traversées les époques historiques et, notamment, préhistoriques où aucun humain n’usait encore d’une graphie. Ces arbres généalogiques qui existent ça et là ne peuvent que montrer ces fabulations généalogiques, l’inexactitude et la crédulité des gens. En fin, ce chiffre de 100 générations n’équivaut en grosso modo qu’à une durée de 3.000 ans. Ce qui, aux yeux de la science, est insensé et inadmissible.
source: www.amazighworld.org
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